Par Laetitia TOANEN.
Malgré le soleil qui brille jour après jour, hier une gelée blanche recouvrait les alentours de la maison. Un moment empli d’émerveillement et de rudesse à la fois. Comment ne pas s’émerveiller de ces filaments de glace semblant tisser une dentelle d’éternité? Et en même temps cette dentelle toute magnifique soit-elle est le dur rappel que l’automne a fait son entrée et qu’à présent nous sommes en route vers l’hiver. L’hiver et l’emprise que le froid exerce sur nous. Ainsi je me suis précipitée au potager pour achever les récoltes et aussi retirer ce qui à présent ne produira plus.
En arrachant les différents plans, les fleurs fanées et tout ce qui avait gelé se révélait à moi une terre dénudée, me faisant réaliser que l’automne est la saison du dépouillement et que tout humain que nous sommes, nous n’y échappons pas. Après l’effervescence estivale et le plein d’énergie, il est à présent temps de faire preuve d’humilité. La baisse d’énergie s’insinue en nous, le repli sur soi s’amorce et dorénavant la lumière arrogante des longues journées d’été s’amenuise de jour en jour et laisse percer un soupçon de noirceur de plus en plus tôt. Noirceur extérieur… noirceur intérieur… de celles qui nous habitent et nous revisitent au fil des ans. Ainsi tandis que les grillons chantent encore le soleil, le vent lui a commencé à nous souffler une autre mélopée. Un refrain moins enivrant racontant celui d’un passage à préparer, à faire, pour amorcer une autre étape du grand cycle des saisons auquel nous appartenons.
Quel chemin emprunter pour ce passage ?
Libre à chacun d’explorer, d’arpenter, de virer de bord, de débroussailler ou de revisiter… Lors de la dernière Tente Rouge, nous avons abordé l’idée de récolter nos lumières d’été, de faire provision de nos satisfactions, réalisations, fiertés et sentiments de paix afin qu’ils puissent nous accompagner dans nos noirceurs. Peut-être nous envelopperont-ils de lumière ? Peut-être qu’ils contribueront à préserver notre foi, notre confiance ? Peut-être nous rassureront-ils quant à l’assurance du retour de moments plus doux ? D’autres ont suggéré d’élaguer… élaguer comme on le fait avec les pommiers après les récoltes. Élaguer ce dont nous n’avons plus besoin dans nos vies, nos comportements, nos relations, nos décisions, nos maisons ! D’autres encore ont partagé leur amour de l’automne, leur manière de le voir coloré et tellement favorable pour effectuer un retour en soi, former un cocon au chaud et ce recentrer après s’être éparpillés tout l’été. Dans cette idée, il y a toute celle de l’acceptation; accepter de se laisser bercer par le grand cycle de la terre sur laquelle nous vivons, de marcher et cheminer plutôt que de rouspéter, combattre et être effrayé. Profiter de chaque instant pour ce qu’il nous offre comme occasion de nous réjouir, de nous réconforter, d’apprendre et d’avancer sur notre chemin… parce qu’avec chaque période de dénudement vient également la possibilité d’un recommencement. La possibilité d’apprendre de nos erreurs et de faire différemment, autant dans nos cœurs qu’au potager. Nombre de graines ont besoin de noir et de froid pour éclore au printemps suivant. Peut-être en est il de même pour nous, nos idées, nos projets, notre maisonnée ? Ainsi plutôt que d’essayer de toujours en faire plus, d’optimiser, de prendre des grosses bouchées et de redoubler d’efficacité, peut être avons-nous à méditer au sujet de la terre en jachère pour l’hiver. Ce temps de repos offert à la terre afin de ne pas l’épuiser. Ce temps de repos offert à la mère afin de pouvoir méditer;
« Semer, regarder pousser,
Arroser, contempler
Soleil, pluie, orage,
Désherbage
Parfois mettre des piquets pour supporter,
Abriter, patienter
Soleil, pluie, orage,
Amour, lumière, patience, courage
Récolter, savourer, honorer
Laisser reposer. »