Le téléphone a sonné. C’était ma belle-soeur, celle qui s’était mariée il y avait un peu plus d’un mois. Quand j’ai répondu au téléphone, elle a simplement dit : « Coucou matante! ».
Je me suis mise à pleurer et j’ai tendu le téléphone à mon mari, son frère. Je ne pouvais rien dire. J’étais sincèrement heureuse pour elle, pour eux, mais la douleur est tout d’un coup devenu trop vive. Il y avait déjà six mois que pour nous ça ne marchait pas. Je savais que ce n’était pas si long, je savais que ce n’était pas de la faute à ma belle-soeur, mais ça faisait mal quant même.
Moi, qui avait la liberté de choisir tout ce que je voulais dans la vie et qui vivait le bonheur le plus possible, je ne pouvais décider de ce qu’il y avait de plus grand, de plus beau et de plus important. Ce n’était pas de la faute de mon mari. C’était la mienne. Pourtant, n’étais-je pas sensée être conçue pour cela? Ça sert à quoi d’être une femme si je ne peux faire ce pour quoi je suis née? Ou avais-je manqué? Est-ce que j’ai pris de mauvaises décisions dans les années d’avant? Je ne bois jamais et je ne prends pas de drogue. Je fais bien quelques sports extrêmes, mais je calcule les risques. J’ai un bon hygiène de vie, je suis en forme, je mange bien… Qu’est-ce qui ne va pas?
Il n’y avait pas de réponse. Il n’y en aurait jamais. En fait, médicalement, il y avait le fait inéluctable que je n’ovulais pas et que mon corps ne formait pas le corps jaune nécessaire à l’implantation d’un ovule. Il ne restait qu’à accepter l’inacceptable. Regarder les belles bedaines autour de moi, essayer de me réjouir pour elles, ne pas hurler quand j’entendais des histoires d’enfants maltraitées, ne pas porter de jugement sur les mamans enceinte qui ne prennent pas soin d’elles. Et surtout, il fallait me pardonner même si ce n’était pas vraiment de ma faute.
Après un an et demi, après les tableaux de température, après les tests d’ovulation matinaux, après les prises de sang, après les spermogrammes, après les échographies, après les rendez-vous, après tout ça, il ne restait que deux choix : La fécondation assistée ou le deuil. Nous avons choisi le deuil. Pour plein de raisons, bonnes et mauvaises. Parce qu’à ce moment, c’est ce dont nous avions besoin. Parce que la nature et le destin avaient choisi pour nous. Il fallait faire la paix et prendre le temps d’accuser le coup. Parce qu’au delà de la peine, il y avait aussi les : »Arrête d’y penser et ça viendra », « Part en vacances, ça va marcher », « Lève les jambes pendant 20 minutes », « Aux deux jours », « Tous les jours », « Saute un mois », etc, etc, etc…
Et finalement, sans attentes, sans explications… Je me suis sentie plus faible. J’avais mal au coeur de temps en temps. Mon nez sentait un peu trop… Et si? Il me restait un test de grossesse, laissé dans le tirroir au cas où. J’ai arrêté de respirer, mon coeur a sauté ses battements : le test était positif. Mais ça ne se pouvait pas, il y avait nécessairement une erreur. Attente au sans rendez-vous pour confirmer, rendez-vous avec mon médecin de famille pour des prises de sang, échographie d’urgence, rendez-vous en clinique de fertilité pour s’assurer que tout va bien. Il n’y avait plus de doutes : J’était enceinte!
J’ai donné naissance à un garçon, tout petit et un peu tôt. Il a été malade, il a été opéré, hospitalisé. Il n’était pas le petit bébé parfait, mais ça n’avait aucune importante. De toute façon, je ne voulais pas de la perfection. Est-ce que c’était de ma faute encore. Je ne sais pas, et ça non plus ça n’avait pas d’importance. Ce petit garçon a maintenant 11 ans et il est en pleine forme. Il grandit un peu trop vite et il a trois frères et soeurs. Parce que j’ai donné naissance à quatre enfants en six ans. Mon corps a repris le dessus et m’a donné ce dont je rêvais le plus. Merci! Là encore la nature et le destin avaient choisi pour nous. Je ne suis pas parti en vacances. Je n’ai pas levé les jambes. J’ai encore moins arrêté d’y penser. Au fond, je ne sais pas pourquoi et je ne sais pas ce que j’ai fait de plus ou de moins. Ai-je vraiment besoin de savoir?
Malheureusement, cette histoire ne finit pas toujours bien pour toutes les femmes, et les hommes. Le désir d’enfanter et la peine de ne pas y arriver est sans nom. Ça arrache le coeur et brise pour toujours une partie de nous.
Il y a des 18 mois, des 2 ans, des 4 ans d’attente. Il y aussi ceux qui attendront pour toujours parce que même la science n’y pourra rien. Cette petite chose si simple qui prend du temps, qui ne vient pas comme prévu, qui se laisse attendre ou qui ne vient tout simplement pas. Cette toute petite chose que l’on rêve de tenir dans nos bras et qui changera notre vie à jamais. Cette toute petite chose, qui grandira beaucoup trop vite : Notre enfant!
Cette histoire était la mienne, un peu. Dans un deuxième article, je raconterai l’histoire de d’autres : Trois mamans extraordinaires qui ont attendu et espéré. Trois mamans qui ont réalisé!
2 réponses sur « Quand bébé se fait attendre : Mon histoire! »
Très touchant, merci du partage!
Allez-vous partager l’histoire de femmes qui attendent depuis toujours ? Années après années. Traitements après traitement. Apres 9 ans, je ne suis toujours pas « maman », mais j’ai été enceinte quelques semaines, le temps d’y croire juste assez pour que ça me brise. Vous pouvez m’écrire si vous le souhaitez.
Merci pour cette série d’articles