Au Québec, il y a beaucoup de paperasse comparativement aux autres provinces canadiennes.
Il y a d’abord un avis à transmettre au Ministère et à acheminer à votre Commission scolaire (Centre de services).
Il faut ensuite produire un projet d’apprentissage avant le 30 septembre ou dans les 30 jours suivant le retrait de l’enfant. Ce projet doit être approuvé par une personne-ressource du Ministère et doit refléter l’expérience éducative que vivra l’enfant jusqu’à la fin de l’année scolaire. Il se peut que votre projet soit accepté ipso facto mais il se peut aussi que vous ayez à le modifier plusieurs fois. Vous aurez peut-être même besoin de soutien d’une association médiatrice comme l’AQED.
Il y a ensuite un état de situation et un bilan de mi-parcours à transmettre au Ministère entre le troisième et le cinquième mois. Là aussi, le tout peut être accepté ou refusé. Dépendamment de l’interprétation que fait votre personne-ressource du règlement qui semble s’alourdir au fil des mois, selon ses exigences personnelles et sa capacité à traduire les expériences éducatives en compétences.
Il y aura ensuite une rencontre en personne ou par visioconférence avec votre personne-ressource. Le téléphone est accepté dans le règlement mais il vous sera catégoriquement refusé dans la réalité. Cette rencontre a pour but de discuter de la mise en œuvre du projet d’apprentissage. Là aussi, il se peut que l’on vous demande de transmettre des choses qui ne sont pas prévues dans le règlement. Certains parents-éducateurs se font même demander plusieurs rencontres.
Avant le 15 juin, il faut transmettre un dernier bilan de la progression de l’enfant et faire évaluer ce dernier. Attention ! Les modalités changent au fil des mois. Si vous optez pour le portfolio, gardez tout tout tout. Cette année, nous avons su en mars ce que nos portfolios devaient contenir. Difficile de revenir 8 mois en arrière. Même chose pour les évaluations par titulaire d’un brevet d’enseignement. Le Ministère a changé les exigences à la fin de l’hiver, alors que plusieurs avaient déjà conclus des ententes avec un enseignant.
Ça devient lourd ces perpétuels changements de plus en plus déconnectés de la réalité de l’éducation à domicile.
Tellement qu’on peut facilement perdre de vue l’objectif principal qui est d’apprendre.
Ça finit par ressembler à de la conformité et de l’uniformisation insipide.
Et à diluer le plaisir qu’on avait avant tous ces changements perpétuels.
Est-ce là le but de cette instabilité imposée ?
Peut-être bien.
Est-ce que ces suivis en constant changement prennent trop de place dans nos vies ?
Tout dépend de nos croyances.
Pour quelqu’un qui croit qu’un programme unique imposé à tous les enfants est ce qu’il faut pour que chacun reçoivent une instruction manufacturée, la réponse est sans doute : non.
Pour quelqu’un qui a peur qu’un enfant développe son indépendance éducative, qu’il apprenne ce qui n’est pas prévu au programme de la conformité ou pire qu’il développe une pensée autonome, la réponse est sans doute : non.
Pour quelqu’un habitué de constater que l’enfant apprend rapidement par lui-même lorsqu’il est frappé par la passion (à condition de ne pas avoir été éteint), qu’il reste curieux tout en devenant un expert dans bien des domaines, la réponse est : oui.
Pour un parent-éducateur qui sait où mènent les apprentissages spontanés et qui n’a pas besoin d’avoir toujours une intention « pédagogique » derrière chaque activité, la réponse est : oui.
Et disons-le franchement, un Ministère qui change constamment les règles et les attentes pour les documents à produire et les suivis tout en demandant aux parents-éducateurs de faire un projet d’apprentissage (donc d’être organisé) et de le respecter, c’est carrément irrespectueux et irresponsable. Les parents-éducateurs n’ont pas à payer pour le manque d’organisation, d’anticipation et de logique du Ministère de M. Roberge. Apprendre en mars ce que nous devons transmettre dans nos documents finaux et nos portfolios alors que l’année scolaire tire à sa fin, c’est très tard. Imposer au même moment de nouvelles conditions pour les évaluations par titulaires de brevet d’enseignement, c’est très tard aussi et abusif.
Mais il n’y a pas que ça. Ces suivis, pour certains interminables, occupent beaucoup de place dans nos têtes. On se demande constamment si on sera, comme bien d’autres, pris dans une succession de nouvelles demandes arbitraires et des interprétations douteuses du règlement.
Même quand ça se passe bien avec notre personne-ressource, on ne sait jamais quand on changera d’agent, si elle devra nous imposer des modifications impromptues, des rencontres additionnelles non-prévues, un retour sur ce qui a été précédemment accepté.
C’est tannant.
Et c’est du temps précieux mal investi.
Heureusement, certaines personnes-ressources le comprennent, dont la mienne et la précédente que nous avons beaucoup aimée. Merci la vie ! J’en souhaite autant à tous les parents-éducateurs qui s’investissent au quotidien pour offrir à leur enfant ce qu’il y a de plus riche et adapté. Mais plus qu’un souhait, cela devrait être la réalité de tous.
Malgré cette tendance bien installée à l’excès de contrôle et à la pensée unique, ce choix d’instruire en famille demeure non seulement un moyen sûr d’apprendre de façon durable et sensée mais une nécessité dans le paysage collectif qui devient fade à force d’uniformisation.
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