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Elle va où la magie quand on grandit ?

 

Il y a quelques mois, mon fils m’a posé la question qui tue :

– Maman ? Est-ce que je suis encore magique ?

 

Cette question en apparence anodine n’en est pas une. Elle est plutôt lourde de sens en fait.

Ce que ça veut dire, c’est qu’avant, il se sentait magique, tout puissant. Il le sentait, il le percevait en lui et dans le regard de l’autre, même dans celui des adultes. 

Mais avant quoi en fait ?

J’y ai pensé pas mal.

Et j’ai pris conscience que c’est bien vrai que je la vois moins cette magie depuis un certain temps.

Depuis quand ?

Depuis quoi ?

 

Je me suis souvenue qu’il était tout petit et déjà, je lui racontais sa magie, celle qu’il a amenée avec lui dans son voyage jusqu’à moi, jusqu’à nous.

À peine venait-il de naître qu’il portait dans son regard sagesse et humanité. Moi, je le savais bien qu’il avait déjà tout ce qu’il faut pour être un humain complet et accompli. Tout était déjà là, prêt à éclore au moment parfait.

 

Toujours est-il qu’il a grandi et qu’il est resté sage de coeur, sensible et empathique. Parfois trop au goût des adultes qui croient que la vie, c’est pas facile et qu’il faut endurcir ça un enfant.

Et c’est exactement là que la magie a commencé à s’envoler.

Depuis que les adultes de notre entourage ont commencé à répandre leurs peurs et leurs croyances sur lui à mesure qu’il a grandi.

C’est depuis que certains adultes se sont mis à le comparer aux autres enfants de son âge.

Depuis que les adultes tentent de le situer et le confiner dans une catégorie, un niveau particulier.

Depuis que l’entourage se permet d’évaluer ses connaissances et ses habiletés, pour eux-mêmes, juste par envie de le juger positivement ou négativement.

Depuis que certaines personnes font des prédictions quant à son futur, font leurs mises en garde, leurs recommandations.

 

Qu’est-ce que ça fait tout ça?

 

Et bien ça amène la recherche d’un résultat plutôt que le plaisir de faire.

Ça tue la spontanéité, l’authenticité, la volonté, l’initiative et la magie.

Ça amène la peur de ne pas être à la hauteur.

À la hauteur de quoi ?

À la hauteur de qui ?

À la hauteur de ceux qui ne lui font pas confiance.

Ceux qui ne croient pas aux potentiels de l’enfant.

Ceux qui se sont si bien éteints sous le poids de la conformité qu’ils n’ont plus assez de créativité pour accorder à l’humain plus de liberté d’être.

Alors ils ne parviennent qu’à concevoir un seul modèle d’évolution, celui qui cadre avec la théorie du moment, celle sur laquelle les professionnels se basent pour évaluer l’enfant depuis sa naissance en prenant soin d’exercer assez de pression pour que l’enfant soit le plus conforme possible à ce qui est prévu dans le plan d’un développement idéal.

 

Est-ce que ça vaut le coup de tuer la magie de l’enfance pour rassurer les peurs des adultes (et peut-être aussi pour faciliter le travail des éducateurs) ?

 

Parce que c’est de ça dont il s’agit. DE PEURS. L’adulte tremble devant le naturel de l’enfant. Il tremble devant sa facilité à ne pas s’inquiéter au sujet de ses acquis (avant que cette peur lui soit transmise par l’adulte). Il tremble devant sa prise d’initiative, sa capacité à émettre des hypothèses et à les vérifier, sans avoir peur de se tromper. Il tremble de ne pas savoir d’avance comment sera plus tard l’enfant ni quel chemin il choisira.

Il s’inquiète du futur et ne peut s’empêcher de croire que s’il ne contrôle pas l’enfant dans tous les aspects de sa vie et de son développement, celui-ci ne saura pas mener sa vie à bien.

Souvenons-nous de notre émerveillement devant leurs premiers sourires, leurs premiers mots, leurs premiers pas, leurs premières questions existentielles. Tout est venu naturellement, sans contrôle de notre part , au moment où tout a été prêt à émerger.  Comme par magie.

Puis, tranquillement, l’émerveillement a laissé place à ces petites phrases :

– Fais ça comme un grand !

– Fais pas le bébé.

– Ne pleure pas !

– Parle comme il faut ! On ne comprend pas quand tu parles !

– Le français, c’est pas ta matière forte.

– Tu es en retard sur les autres en mathématique.

– Normalement, à ton âge…

– Ne pose pas de questions !

– Tu peux faire mieux.

– Tu m’épuises !

– Tu penses juste à jouer. C’est pas ça la vie !

– Tu vas voir que tu vas trouver ça dure quand tu vas arriver dans la vraie vie si…

 

 

Ces phrases réductrices, qui envoient comme message que l’enfant n’est pas adéquat, on les a entendues pour nous-mêmes (et des pires), on les entend encore à propos de nos enfants ou ceux de notre entourage. On les dit peut-être nous-mêmes parce que nous aussi, sous le poids du jugement normatif incessant et omniprésent, on doute. Elles ont le super pouvoir de briser l’élan de l’enfant, de le couper de son envie de faire les choses par enthousiasme et de l’amener à avoir peur de décevoir, à avoir peur de l’échec. Tranquillement, la magie s’effrite.

 

Est-ce que ça vaut vraiment le coup d’éteindre l’enfant parce qu’on s’imagine qu’il faut le contrôler et le conformer afin qu’il soit outillé pour un futur dont on ne connaît ni les tenants ni les aboutissants ?

 

Clairement, ça ne vaut pas le coup !

Si la façon actuelle d’aborder l’enfance était la bonne, soit celle qui consiste à tout planifier et forcer en fonction de l’âge de l’enfant, nous ne serions pas les champions du décrochage scolaire et de la consommation d’antidépresseurs. Quand on constate que tout va tout croche dans une société, que les adultes autant que les enfants sont à bout de souffle, c’est qu’il est temps de faire les choses différemment.

 

Et si on choisissait de faire confiance à nos enfants ?

 

Si on imposait une nouvelle façon d’aborder l’enfance ?

Ça se fait refuser des évaluations.

Ça se fait souligner aux profs, à la direction et aux professionnels qui gravitent autour de nos enfants que ces derniers sont trop souvent en évaluation, qu’on cherche trop à les conformer, qu’on souhaite leur laisser plus d’initiatives.

Ça se fait dire à l’entourage de laisser vos enfants être des enfants et de s’occuper eux-mêmes de leurs propres peurs.

Ça se fait, comme parent, de reprendre son pouvoir de parent.

 

De mon côté, je choisis de faire de plus en plus les choses autrement afin de laisser la magie de l’enfance opérer. Et cette question sur la magie de l’enfance me confirme que c’est la bonne chose à faire, préserver l’élan naturel de l’enfant.

On rencontre bien entendu pas mal de résistances dans l’entourage quand on ne suit pas le chemin déjà tout tracé par la conformité mais on rencontre aussi de l’ouverture et on suscite de superbes prises de conscience.

Et puis on inspire à laisser à l’enfance sa magie.

Puis on laisse de l’espace pour que la magie perdue en vienne à renaître !

 

Pour aller plus loin :

Et si on les laissait vivre ?

Plaidoyer pour une enfance heureuse.

Pour une enfance heureuse.

Le monde est un miracle.

Découvrir la parentalité positive.

L’éducation à domicile.

Apprendre sans l’école.

Commentaires

Par Julie Roux

Maman intégrale de 2 enfants libres ayant un penchant naturel pour le bonheur, Julie a troqué la sociologie et la naturopathie contre la vie familiale qu’elle a choisie. Maman à la maison pas si souvent à la maison, elle adore sortir, voyager, réfléchir sur l’enfance et sur l’éducation.