On entend souvent cette réplique, lancée un peu comme on lance une excuse, une justification.
Il faut préparer les enfants pour la «vraie» vie.
Parce que la vie, c’est dur.
La vie, c’est plein de contraintes.
Tu ne fais pas ce que tu veux dans la vie.
Tu ne fais pas juste ce que tu aimes dans la vie.
Il y a des règles à respecter.
Il faut être compétitif, opportuniste, résilient.
Il faut savoir devenir indifférent au mépris, à la haine, aux préjugés pour avancer.
Mais…
Ça s’apprend où le mépris, la haine, les préjugés?
Ça s’apprend où l’abnégation de l’envie de faire ce que l’on aime?
Ça s’apprend où la résignation à ne pas vouloir mieux que cette vie de contraintes?
Ça s’apprend là où on l’offre à l’enfant.
Il faut préparer l’enfant pour la «vraie» vie.
On se le fait dire si on n’envoie pas nos enfants à la garderie, si on allaite longtemps, si on est plus bienveillante que d’ordinaire.
On se le fait dire si on décide d’instruire nos enfants ailleurs que dans une institution scolaire.
On se le fait dire si devant la souffrance de notre enfant, on cherche une option qui lui serait plus favorable.
On se le fait dire si on préfère ne pas punir.
On se le fait dire aussi si on choisi de faire confiance à notre enfant et de le laisser évoluer à son rythme.
On se le fait dire si on prend soin de consulter nos enfants avant de choisir ce qui les concerne.
On se le fait dire quand on ne fait pas passer nos besoins de parents avant ceux de nos enfants.
Parce que oui, on confine souvent l’enfant là où il ne gênera pas son parent, l’adulte, l’économie, l’espace public.
On s’est créé tout un système pour permettre aux deux parents de travailler à fond.
À vouloir matériellement plus.
Quitte à ne pas aimer son 40 heures semaine.
Et à se ruiner à compenser.
À chercher à décompresser.
Quitte à faire fi du puissant besoin de sécurité, d’attachement et de proximité de son poupon.
Sera-t-il seulement plus autonome?
Même pas!
On s’est créé tout un système pour permettre de conformer la masse, l’instruire, l’éduquer en tout point comme les autres.
Un genre de justice sociale qui offre un système public pour tous.
Sauf pour les mieux nantis et ceux qui gouvernent ce même système public en clamant qu’ils y croient tout en le trouvant inadéquat pour leurs propres enfants.
Les chances égales pour tous, donc.
En autant que tu n’ambitionnes pas d’avoir la chance de te réaliser comme être humain de sitôt.
En autant aussi que tu ne sois pas manuel.
Ni actif.
Ni artiste.
Ni philosophe.
Ni audacieux.
On dit que l’enfant s’adapte à un milieu qui ne respecte pas ses aspirations.
On dit qu’il développe un super pouvoir: la résilience.
Et qu’il peut même être heureux dans un milieu où on ne respecte pas ses besoins affectifs, ses besoins de bouger, d’explorer, de liberté et d’initiative.
Moi je trouve que la résilience et l’adaptation de l’enfant ont le dos large!
Et puis, pouvons-nous vouloir mieux que ça?
Il faut préparer les enfants pour la «vraie» vie,
ça a le mérite d’être déculpabilisant.
Pour le parent.
Pour l’adulte en charge.
Qui confond la vie avec le résultat des contraintes qu’on s’impose.
Avec notre servitude aux croyances que nous avons fait nôtres.
Ça a le fâcheux défaut de ne pas prendre les besoins des enfants en considération.
Mais la qualité de susciter la révolte.
Parce que oui, ces préparatifs pour la «vraie» vie suscitent la révolte.
Heureusement.
Mais encore faudrait-il l’écouter au lieu de chercher à la réprimer, la médicamenter, la nommer autrement.
Collectivement et individuellement, demandons-nous:
C’est quoi le sens de la vie?
Le vrai sens là, pas tout le système de contraintes qu’on s’est créé et auquel on est résigné à se soumettre.
Et auquel on croit que nos enfants doivent aspirer.
Quel est le sens de la vie, si ce n’est pas justement celui d’aimer être en vie?
Et aimer ce que l’on fait?
Surtout aimer qui l’on est?
Au lieu de chercher à habituer l’enfant à tolérer ce qui diminue l’humain en lui, pourquoi ne pas l’habituer à vivre en paix avec lui-même, ses aspirations, ceux et ce qui l’entourent, la nature y compris?
La vie pour laquelle on prépare les enfants d’aujourd’hui échoue à rendre l’humain heureux et à assurer sa pérennité. Essayons donc autre chose! Essayons d’offrir à nos enfants une enfance de laquelle ils n’auront pas à passer leur vie à se remettre. Cessons de les éteindre en niant leur individualité. Transformons nos classes. Faisons confiance aux vrais spécialistes des enfants, ceux qui partagent leur vie; les parents, les enseignants. Laissons-leur la liberté de personnaliser leurs façons de faire. Adressons-nous à l’enfant dans sa globalité et non pas exclusivement à son cerveau. Laissons-le connecter avec la nature. Faisons-lui confiance.
Parions que ces enfants qui évolueront dans un milieu qui répond à leurs besoins humains chercheront à solutionner les enjeux humanitaires et écologiques afin de reproduire autour d’eux la même bienveillance qu’ils auront expérimentée.
Pour réfléchir encore:
Plaidoyer pour une enfance heureuse. Élevons-nous nos enfants sans tenir compte de leurs besoins.
C’est pour ton bien. Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant.
Le concept du continuum. La recherche du bonheur perdu.
Le Bébé et l’eau du bain. Comment la garderie change la vie de vos enfants.
La communication non violente au quotidien.
Your Children Can Change the World.