Quand ça fait trop longtemps, on cherche à savoir. La peine nous y oblige. C’est ce qu’il y a de plus important.
Et les tests se suivent, se succèdent. La tristesse prend plus de place que le bonheur. L’amour devient routine. Le corps se rebelle. Le thermomètre accueille nos matins, la table de nuit ressemble à un bureau de comptable, le médecin nous appelle par notre prénom.
Pour trop de couples, le petit bébé tout rose devient souffrance. Parfois, l’histoire finit bien. Parfois, l’histoire prend trop de temps. Parfois, la fin reste triste.
J’ai jasé avec trois mamans. Elles m’ont ouvert leur livre et raconter un passage. Je vous raconterez, avec leur permission. Mais je changerez leur noms. Par respect, par amitié et aussi, un peu, parce que ces histoires ressemblent à d’autres et que je veux les raconter. La douleur mérite de se dire. Le processus aussi. Ce n’est pas simple et c’est controversé. Devrait-on continuer de payer? Est-ce une histoire de société? Si on coupait dans l’accès à l’avortement? Et laisser la nature choisir? Trop de questions qui n’ont pas de réponses. Qui n’en n’auront jamais. Parce que quand on parle de coeur, il n’y a pas de raisons! Encore moins quand on parle de vies.
JENNY
Jenny a donné naissance à son premier enfant après quatre ans. Quatre longues années à attendre. Des années à mesurer ses cycles, à souffrir de nombreuses fausses couches. Surtout à espérer. Elle essaye maintenant depuis deux ans de donner la vie à nouveau. Son corps refuse encore de porter ce souhait si cher. Elle réfléchit à savoir si elle devrait avoir recours à de l’assistance. Pour l’instant, sa décision n’est pas prise.
Elle avait enclenché le processus lors des essais de son premier. Est-ce que le fait de consulter a enlevé un stress inutile? Peut-être, parce que c’est dans la période d’attente et d’analyses qu’elle est devenu enceinte.
La possibilité d’adopter n’était pas envisageable. Elle était plutôt à faire le deuil d’une famille. Heureusement, elle a le bonheur de vivre maintentant son désir d’être maman.
MARIE
Après une année à attendre, elle a consulté. Pour elle, tout semblait normal, mais pour son conjoint, les choses se présentaient plus mal. Ils ont choisi un donneur. Pour eux, le plus important était le bonheur d’un enfant. Il était impossible de songer à ne pas fonder une famille.
Ils ont fait 11 inséminations avec donneur en plus d’une fécondation in-vitro et de deux transferts d’embryon congelé. Sans compter les tests, les prises de sang et les injections. Après une fausse couche lors du premier transfert, la deuxième fois aura été la bonne. Leur petite fille s’est accrochée. Une petite fille bien à eux parce que l’embryon était de son conjoint. Après toutes les inséminations ratées avec un donneur, il ont pris la chance de laver, nettoyer et trier un échantillon du futur papa, il n’avait rien à perdre. Ça aura été ce qu’il manquait. Ça et un changement hormonal de Marie qui prendra de la progestérone.
Ils sont maintenant en réflexion pour un deuxième enfant. La FIV a été difficile pour Marie. Ça arrive parfois que le corps ne supporte pas la montée d’hormones. Marie a été hospitalisée. Son corps continuait de produire des ovules et l’eau s’est accumulée. Ça pourrait se reproduire et c’est dangeureux. De plus, ils ne savent pas combien de temps le gouvernement payera encore. Ils ne seront pas en mesure de payer les frais advenant que le programme soit arrêté.
« Nous aimerions beaucoup… Mais nous voyons notre rêve fondre en regardant ce qui se passe avec le nouveau gouvernement qui coupera d’ici peu la gratuité des traitements de procréation assistée. Les coûts de ces traitements sont hors de notre budget, car trop chers. » – Marie
L’adoption avait été envisagé. Ils s’étaient mariés pour ça. D’autres rêves sont maintenant en cours et ils attendent les prochains mois pour évaluer ce qu’ils feront. C’est beaucoup de décisions et de réflexions.
ANNE
Toutes les possibilités ont été envisagées. Toutes les possibilités ont été essayées. Des simples prises de sang, qui reviennent trop souvent, au recours d’une mère-porteuse. Des inséminations à l’adoption internationale. Pour Anne, la famille était une obligation, un rêve trop important pour être abandonné. Elle était prête à tout. À l’exception des donneurs d’ovules et de spermes. Pour elle et son conjoint, la seule limite était que le bébé soit « leur » enfant ou pas du tout.
« Je referais tout ce que j’ai entrepris comme démarche, car je ne pourrai jamais dire un jour que je n’ai pas tout tenté pour avoir des enfants biologiques. » – Anne
Il aura fallut des années d’acharnement et de pleurs. De rage et de douleur aussi. De faibles espoirs lors de tests positifs lui permettront de ressentir l’euphorie d’une vie qui grandit en elle. Malheureusement, aucunes des possibilités ne lui offriront l’aboutissement tant attendu à l’exception d’une seule : L’adoption internationale.
Mais avant que sa fille ne fasse partie de sa vie, Anne vivra trois inséminations artificielles, six fécondation In-Vitro, une laparoscopie pour de l’endométriose et les recherches d’une mère-porteuse (Ce recours est légal à la condition qu’aucune allocation ne soit versée. Ce doit être un geste altruiste et gratuit.). Sans compter les centaines d’injections, les médicaments de toutes sortes, les rendez-vous et l’attente d’une petite fille de l’autre bout du monde.
Une dépression aura raison d’elle. Le désir d’enfanter, le désir d’être maman était trop important. Il fallait que ça arrive. Mais quand, autour d’elle, son entourage réalise ce souhait alors qu’elle n’y arrive pas. Que les commentaires se multiplient, que les conseils abondent. La pression devient insoutenable.
Pour ces trois mamans, le même constat : Pourquoi? Une femme c’est fait pour avoir des enfants. Qu’est-ce qui ne marche pas? Le désir d’une réponse les a amené à consulter. Il faut savoir. Mais pour savoir, pour avoir un bébé, il est nécessaire d’avoir recours à un médecin et à une panoplie de tests. Aussi, comme pour Anne et Marie, il faut plus que des tests. Il faut l’aide de la science.
Les sentiments de culpabilité et de rage deviennent quotidiens. Quand chaque mois, les règles se présentent alors qu’on voudraient les voir disparaître, la peine s’installe pour ne plus repartir. Le regard porté sur les bedaines que l’on croise n’est plus qu’envie et jalousie. On n’arrive plus à se réjouir des annonces de grossesse de notre entourage.
ET LES PAPAS…
Bien sûr, physiquement, le processus se révele plus simple. Il y a bien le prélèvement en pot qui apporte son lot de désagréments, mais porter un enfant reste une histoire de femmes.
Par contre, émotionnellement, psychologiquement, c’est dur aussi pour le papa. Le désir d’avoir un enfant, de bercer, de cajoler. L’envie de regarder un être humain sachant qu’il est de nous. Tout ça, est vécu aussi par l’homme. Aussi, il y a l’impuissance face aux souffrances de sa conjointe. C’est probablement, ce qu’il y a de plus difficile. L’envie commune d’un enfant ne peut être vécu que par la femme. Pour l’homme, il n’y a que l’impossibilité : De concevoir, de ressentir, de vivre la souffrance ou d’encaisser chacun des tests.
Et il y a le sentiment de culpabilité, de ne pas être à la hauteur, de ne pas « être un homme ». Même quand les tests semblent dire que tout va bien, le doute s’installe. Les résultats ne sont pas infaillibles, ils pourraient y avoir des erreurs.
UN PROCESSUS LONG ET COÛTEUX
De nos jours, les couples qui veulent un enfant, mais qui n’y arrive pas pour toutes sortes de raisons, ont accès à divers procédés leur permettant d’enfanter. Bien sur, les résultats ne sont pas garantis et il y a de nombreux effets secondaires parfois dangeureux. Tous ces procédés ont été souvent au centre de débats en plus d’être ouvertement critiqués. Faut-il continuer à obliger la nature? Combien d’embryons peut-on implanter en une seule fois? Devrait-on payer pour les donneurs? Et la mère-porteuse? Nombreuses sont les questions auxquelles ont ne peux pas, ou ne veut pas, vraiment répondre.
Au Québec, depuis le 5 août 2010, les couples ont accès aux remboursements des frais pour la procréation assistée. Les frais couverts sont le bilan d’infertilité, le prélèvement d’ovules et de sperme, le don d’ovules, la congélation et l’entreposage du sperme, la fécondation in-vitro pour trois cycles stimulés ou six cycles naturels ainsi que le transfert et la congélation d’embryons. Cette possibilité à permis à plusieurs couples, dont Marie et son conjoint, d’enfin réaliser leur rêve. Humainement, la société est plus sereine et le futur de la planète repose sur les enfants. Économiquement, le coût est très élevé. C’est pourquoi, le gouvernement en place pense à couper l’accès à ce service. Les couples infertiles devront à nouveau débourser de leurs poches les frais encourus. Pour certains, plus nantis, le rêve se réalisera malgré tout. Mais qu’en est-il des couples aux revenus plus faibles, pour qui les milliers de dollars nécessaires ne sont pas disponibles?
Finalement, avoir un enfant est ce qu’il y a de plus beau et de plus grand. Parfois, la nature, ou la fatalité, décide de faire les choses autrement. Que l’on ait besoin d’un peu d’aide ou que l’on ait recours aux grands remèdes, il n’en reste pas moins que la science peut offrir une solution à ce grand rêve.
Pour Jenny, Marie, Anne et leurs conjoints. Pour des centaines de couples. L’infertilité n’est plus une fatalité que l’on doit accepter. C’est sûrement un peu plus compliqué que de simplement s’aimer tendrement, mais c’est assurément s’aimer assez pour affronter ensemble cet intrusion à l’intimité. Les solutions sont là!