Je suis maman depuis 12 ans.
Maman de trois enfants.
Je suis une maman intensément.
Je suis une maman de tous les instants.
Aussi chaque fois que je lis des articles sur la nécessité de prendre soin de soi, de s’accorder du temps, de faire garder les enfants, ça ne me parle pas vraiment. J’ai toujours pensé que ce temps allait si vite passer, qu’il fallait en profiter et qu’un jour il nous manquerait. J’ai toujours pensé aussi que les enfants devaient grandir auprès de leurs parents, que peut-être certains parents n’avaient pas vraiment réfléchi à ce qui les motivait dans le fait d’avoir des enfants. Et surtout j’ai toujours pensé que mes enfants étaient ce qu’il y avait de plus important. Le reste était futile voir inutile. Je n’ai pas changé d’idée… juste envie d’un petit peu nuancer.
Dans une autre vie j’étais guide animalier, photographe, naturaliste et botaniste. Je passais plusieurs mois par année sur un vaste territoire éloigné de la civilisation, pour n’en sortir qu’à l’occasion, le temps de faire quelques provisions (épicerie, bobines photos, fibre de verre pour réparer les canots). Je vivais dans une roulotte au milieu du bois, tantôt toute seule, tantôt avec mon père complice de cette aventure, dans ses murmures. A cette époque je passais la moitié de mes journées en charriot attelé et l’autre en canot, sur l’eau. Trois, quatre, cinq heures de canot par jour, l’oreille tendue, les yeux grands ouverts à l’affut d’un signe, d’un craquement de branche, d’un bruit d’eau révélant la présence d’un animal qui, peut-être se laisserait observer. Les castors et les chevreuils étaient les plus fidèles, mais parfois nous avions le privilège de côtoyer un grand aigle, une mère orignal avec ses petits dont la curiosité les faisait s’avancer, jusqu’à notre canot, pour venir mâchouiller les bretelles de nos sacs à dos ! D’autres fois nous étions saisis, ébahis, par le passage furtif d’un couguar, ou par ceux avec qui j’allais tisser des liens pendant des années et ne jamais oublier, une dizaine d’ours patiemment identifiés et un coyote à la patte cassée. La beauté et le calme de cet endroit étaient bienfaisants et bouleversants. J’y étais ancrée, enracinée. Je m’y révélais autant que je me passionnais.
C’était il y a 20 ans, avant que je n’aie les enfants…
Il y a quelques jours, j’étais en camping sur ce vaste territoire, en compagnie de mon frère et sa famille, mes parents et mes enfants… Une sorte de pèlerinage héritage pour enraciner ma trâlée, l’initier…
La brunante était tombée, les enfants étaient à déguster des guimauves calcinées lorsque mon père m’a appelé. Il avait mis un canot, à l’eau. J’ai redonné une poignée de guimauves à mon tout petit (en mère indigne que je suis) et lui ai dit que je revenais bientôt. En fait je me suis sauvée, remplie de culpabilité !
Mais à peine mon pied touchait le fond du canot, et ma main entourait l’aviron, je renouais avec une ancienne sensation … retrouvais un certain équilibre, quelque chose d’infime et de grandiose à la fois; le cœur qui bat. Par endroit, la brume commençait à se déposer sur le lac, à d’autres, il était si lisse que dans son reflet, la terre et le ciel se touchaient. Le canot glissait doucement, sans faire de bruit, pendant que tombait la nuit. Le calme et le silence m’envahissaient, tandis que j’étais émue au plus profond de moi, bouleversée et apaisée à la fois. En me détendant, je réalisais à quel point j’étais tendue, stressée, fatiguée. J’ai eu une pensée furtive et vu défiler toutes ces années; les enfants qui en ont dedans, le bébé allaité trois années, les idées, les projets, l’école à la maison, les multiples rédactions, les rénovations, mon chum toujours dans un avion ! Je réalisais à quel point j’en avais plein les bras, et c’est à ce moment là, que j’ai entendu mon petit pleurer, sur la rive de l’autre côté. Forcément mon père a fait comme si de rien n’était et a continué d’avironner. Son objectif était clair, me donner de l’air. J’étais tiraillée, j’aurai voulu être respectée dans mon besoin de rentrer pour réconforter mon bébé, et même temps, j’avais tellement besoin de ces quelques instants… que je me suis laissée emmener.
Je m’emplissais, me délectais, me déposais, me ressourçais … soupirais et pleurais. C’était tellement beau, apaisant, bienfaisant. J’avais perdu l’habitude de tant de quiétude. J’avais oublié, au fil des années… je m’étais oubliée, même si en même temps j’avais savouré, m’étais réalisé, gâtée, honorée en vivant ma maternité telle que je le voulais.
À force de réflexion et de coups d’avirons, nous avions contourné l’ile et je voyais de nouveau briller, le feu autour duquel mon petit monde était rassemblé… et je n’entendais plus pleurer. Il s’égosillait avec ses cousines, tante, sœur, frère et grand-mère dans une chanson qui faisait des bulles en pétant dans l’eau, parce que c’était rigolo !!! J’aurai préféré un chant gospel ou une autre ritournelle, mais au moins il ne pleurait plus… c’est ça la force d’une tribu !
C’était parfait, j’allais rentrer apaisée, révélée et retrouver ma petite trâlée tout à son bonheur de savourer l’été. C’est alors qu’un jeu s’est entamé… mon père tentant discrètement de manœuvrer, pour que nous repartions de l’autre côté… jouer des prolongations à grands coups d’aviron ! Mais c’était oublier toutes ces années à avironner chacun de notre côté. Alors doucement j’ai redressé le canot pour pointer, vers ma marmaille qui m’attendait. Il a rusé, redonné un petit coup pour biaiser. Ce à quoi j’ai répondu par un appel plus corsé. Personne ne disait mot, chacun manœuvrant le canot, en lien avec ses idéaux. A défaut d’avancer, on tournait en rond, on maintenant le statut quo ! Jusqu’à ce que nous éclations de rire; vingt ans après, nous avions encore chacun de notre côté des idées bien arrêtées sur ce que l’on voulait et la façon de procéder. On se retrouvait complices comme avant… ça aussi ça faisait longtemps.
Doucement, nous sommes rentrés. Pendant cette courte épopée, j’avais renoué avec une partie de moi trop longtemps oubliée, je m’étais reposée, apaisée dans un long moment de silence et de tranquillité. J’avais retrouvé mon père dans un instant d’affection partagée et enfin trouver ce que j’allais vous raconter pour commencer cette odyssée avec les mamans zenifiées !
A notre arrivée ma famille chantait … un air de Gospel enjoué à plusieurs voix, à capella. Ma mère avait mon petit dans ses bras, chantant, berçant, mimant pour qu’il aime ça. Ma mère, qui tient le fort, pour ses enfants et petits-enfants. Ma mère qui est encore là, auprès de moi. Ma mère qui n’a jamais cessé de me tenir la main, même si j’étais loin. Ma mère qui s’est toujours soucier de nos lendemains. Parce que c’est ça une mère; ça passe son temps à cumuler, à partager, à se multiplier et se diviser… tout en oubliant de se compter.
Sauf que ma mère sait. Elle sait qu’il faut en profiter, que la vie peut à tout moment s’arrêter. Mais elle sait aussi qu’il faut s’accorder le droit d’exister si on veut pouvoir se relever, se réaliser, inspirer et veiller notre trâlée. Alors encore une fois, bien à sa façon, ma mère avait fait le pont et rendu possible ma révélation.
Certes je suis mère de carrière, j’en suis fière, et c’est vraiment ce que je veux encore faire … mais j’ai aussi besoin d’un peu d’air… Ramasser mes morceaux éparpillés et me retrouver pour en profiter encore de longues années!
3 réponses sur « Se révéler… pour rester zen »
J’ai adoré lire ton ton histoire, wow les beaux souvenirs en nature! C’est vrai que comme maman de carrière c’est facile de s’oublier et j’essaie d’avoir un rituel de temps pour moi à chaque jour, ça fait du bien de returner à soi même si c’est juste un court instant.
Bienvenue sur Mamans Zen 🙂
Merci pour ces quelques mots. Ça me fait vraiment plaisir d être la !
Que c’est beau, que c’est beau! J’en suis toute remuée. J’aime tant te lire, ma chère Laetitia!