11 juin, aujourd’hui mon bébé tu dois naître.
Cela fait 9 mois jour pour jour que tu te caches dans mon corps…
Ha les chiffres n’ont jamais été mon fort!
Et pour cause, tu ne dois pas savoir compter non plus car pour toi ce n’est pas l’heure.
Tu te prélasses tendrement sous ma peau. L’extérieur ne t’attire pas. Au chaud, si bien, tu ne viens pas.
Me voilà donc à la clinique pour vérifier ton coeur, s’assurer que tout va bien pour qu’on te laisse encore tranquille quelque temps. Au plus près du coeur de maman.
11 juin, aujourd’hui mon ange tu dois naître car la médecine le dit.
D’ailleurs, tu ne peux pas rester dans ton cocon car on découvre qu’il n’y plus assez de liquide pour te protéger. Moi qui pensais que nous allions rentrer et passer le week-end à flâner, avachis dans la canapé, la main de papa cherchant tes pieds.
La panique m’envahit. Me déclencher? Qu’est ce que ça veut dire? Alors, la prochaine fois que je rentre à la maison nous serons trois? C’est pour ce soir?
Personne ne peut me répondre… Je crois que j’ai peur mon ange, et tu dois le ressentir. Je ne veux pas te bousculer mais je ne comprends pas ce qu’il se passe.
J’avais tant imaginé tous les scénarios possibles! Perdre les eaux, hurler de douleur, regarder ton père et lui dire « c’est le moment »… Rien. Je me laisse porter par le corps médical et cette odeur de désinfectant accrochée à tous les murs de cet hôpital.
Dossier d’entrée à la maternité, on nous donne une chambre. Je suis plongée dans le couloir des nouvelles mamans. Les pleurs des bébés sont comme une musique incessante. Je regarde autour de moi, je regarde mon ventre. Je ne suis pas au bon endroit ! J’aurai du arriver là, avec toi dans mes bras… Comme toutes ces filles… on fait tout à l’envers. Au moins, on n’aura pas à se battre pour avoir une chambre.
Direction les sages femmes. On m’ausculte, col fermé. Prise de sang pour les risques d’infection, antibiotiques. On me pose le cathéter au vu de mon futur accouchement. Une jeune femme rentre, me parle de Propess. Encore un terme médical qui ne veut rien dire, qui m’agace. « On va vous poser un tampon au niveau du col pour le faire mûrir. On le laisse 24h et si rien n’a bougé on en repose 1 après les 24h. Une fois le tampon posé vous devez rester allongée pendant 3h ». Il n’y a même pas de télé.
11 juin, aujourd’hui mon amour je suis sensée voir ta bouille. Toucher ta peau. Mais je suis là, dans une chambre bleu et blanche à regarder le plafond, espérant que la nature reprenne son rôle.
12juin, 24h sont passées. Courte nuit, papa n’a pas pu rester dormir avec moi. Je suis là, jambes écartées pour la dixième fois. On remet un tampon. Mon col est ouvert à 1. « C’est positif ? », « Ça ne va pas très vite mais vous savez ça peut se déclencher d’un coup! Courage. » Courage? C’est ça mettre au monde? Du courage? Je suis paumée mais pas stupide.
Les heures passent, les médecins aussi. Rien n’avance mais j’accumule les « Courage ». Il y a les femmes qui arrivent, pleines de souffrance puis qui repartent, pleines de bonheur. Et moi je leur souris. Comme encrée dans ces couloirs je me fonds dans les murs couleur pastel. Mon aiguille dans la peau depuis plus de 24h, je ne peux pas plier la main. Ton père m’aide à me laver, comme si j’avais 100 ans.
Je monte les marches de l’hôpital sous les conseils des médecins. Sans cesse. 20 fois. À part être essoufflée, cela ne me fait rien. Toi tu bouges a longueur de temps comme si tu profitais des derniers instants. J’ai fait le tour du personnel. 3 fois. Je dors dans les suites de couche mais je suis enceinte. On me regarde le matin, avec peine.
13 juin, plus de 48h sont passées. Léger mal au ventre toute la nuit, comme une mauvaise digestion. Vu le plateau repas de l’hôpital, pas étonnant. Je suis épuisée. Direction les sages femmes. Dilaté à 2. Je pleure.
13 juin, tu n’es pas né mon ange. Les médecins s’étaient trompés.
10h, déclenchement par perfusion. Paraît que ça peut aller vite. Comme les tampons d’ailleurs. On me pose d’abord la péridurale. Enfin on essaye. 20 minutes pour trouver le chemin de l’aiguille, faudrait pas être pressé. Perfusion en route. « Dernier espoir, courage. »
Les contractions arrivent. Accourent. Ok, c’était pas si mal les tampons. Je sautille sur mon ballon. Papa sautille avec moi. Je souffle. Parait qu’on souffle toutes et on a l’air con. Pourtant, souffler n’a jamais enlevé la douleur, mais on souffle quand même. C’est psychologique.
15h, on veut me percer la poche des eaux. Je croyais que j’avais plus de liquide? Si pas de liquide pas de poche des eaux il me semble ! « Justement c’est pour vérifier… » la sage femme brandit un petit crochet barbare. Je fais un bon sur le lit. « Aïïïï ». Pas de poche des eaux mais le crâne de mon fils… Dilatée à 3… Je pleure, j’ai mal, et je pleure.
18h50, ton coeur ralentit mon ange.
La machine qui bipe. La sage femme rentre, l’air grave. Elle s’agite. Veut me poser une sonde urinaire. Mais pourquoi ?
Le bloc, du monde, des blouses, une agitation. Sur la table d’opération, les bras en croix comme si on allait me crucifier.
L’ambiance semble détendue mais les médecins se pressent quand même. Je suis prise d’une crise de tremblements, je ne contrôle plus rien. J’ai tellement peur. Papa est là, me tient la main. Il tente de ne pas montrer son angoisse, il est si parfait. Je sens qu’on m’ouvre, qu’on te touche. Ils viennent te chercher car la nature a fait une pause. Au fond qu’importe, je te sens de plus en plus près de nous.
19h51. Je me concentre sur ma respiration, tentant de faire abstraction de tous ces bruits atroces. Puis le silence. Tu pousses ton premier cri. Tu es là mon amour. Tu viens de plonger dans le premier jour du reste de ta vie.
Le soulagement des médecins se font entendre. Tu es en pleine forme et on te glisse sur ma poitrine. Nous voilà tous les trois, accrochés à notre amour. Une nouvelle vie à trois. Je pleure encore, de joie. Dans les yeux de ton père je vois notre avenir.
Tu es magnifique.
Alizée Lejosne, 26 ans, maman du petit Nolan né le 13 juin 2016. Elle a un projet de recueil de témoignages d’accouchement, si vous voulez participer, merci de faire suivre le vôtre à alizee.lejosne@gmail.com