Depuis quelques années, il y a surenchère chez la mère débordée. Quelle maman sera LA plus surchargée? Qui sera LA plus à boutte de toute? Qui pognera le plus de microbes dans l’année. Laquelle fera la plus grande chaîne d’antibiotiques sur son comptoir lavé à l’eau de javel? Qui sera témoin du plus gros manque de gros bon sens à l’école de ses enfants? Qui a les enfants les plus wilds et laquelle saura leur donner LA meilleure leçon (tentative maladroite de prise de pouvoir sur sa vie en se trompant de cible)? Avec preuves photos à l’appui, parce qu’il faut bien rire hein? Et parce qu’il faut bien aussi perpétuer encore un peu les violences éducatives ordinaires. Et les violences conjugales ordinaires aussi parce que le conjoint n’est pas nécessairement épargné par cette tendance à l’indignité.
J’ai le sens de l’humour pourtant.
Mais ça…
Ça ne me fait pas rire.
Ça m’attriste.
Être écoeurée de courir et capoter ma vie, ce n’était pas dans mon plan quand j’ai voulu avoir des enfants. Je me suis arrangée pour avoir une vie qui me permet d’avoir du temps pour être avec mes enfants, pour être en relation aussi avec tous les membres de ma cellule familiale. Celle que je voulais fonder et préserver.
Oh! Ce n’est pas parfait! Loin de là! Notre vie de famille a beaucoup évoluée depuis 10 ans. Nous l’avons façonnée pour qu’elle s’accorde le plus possible avec nos valeurs qui ne cessent de se redéfinir. Nous faisons constamment des choix en fonction des besoins changeants de chacun. En fonction de nos finances. En fonction de notre volonté de préserver la vie sur Terre aussi. Mais notre unité familiale n’est jamais laissée pour compte. Elle est au centre de toutes nos décisions. Alors je regarde cette parade des mères à boutte de l’extérieur et je me dis que c’est un choix de vie comme un autre. Courir après son pas-l’-temps, c’est un choix. Mais ce n’est pas une obligation.
Cette idée d’avoir ou non le choix de se laisser avaler par le tourbillon semble presque tabou tellement le pas-l’choix a pris du terrain dans l’imaginaire populaire.
Pourtant, être parent, ce n’est pas obligé d’être rushant.
On peut aussi choisir…
De travailler moins.
De travailler de la maison.
De revendiquer un travail à temps partiel (non! nous n’avons pas fini la lutte).
De changer nos enfants d’école ou faire les apprentissages en famille.
De posséder moins.
De vivre plus simplement.
De paraître moins.
D’être plus.
D’avoir moins de mentions j’aime au bas de nos publications.
Ou peut-être même pas…
Parce que proposer une vie choisie,
une vie vécue,
une vie partagée,
méditée,
satisfaisante,
assumée,
ça inspire
et ça contribue à créer du meilleur
au lieu de consoler
et légitimer l’insatisfaisant.
Ah! Ça dérange aussi, parfois, une famille qui choisit de prendre le temps d’être ensemble,
de soigner sa relation à l’autre, de s’offrir la raison pour laquelle elle s’est voulue.
Ça suscite des convoitises.
Mais ça a le mérite de proposer une alternative plus viable.
Durable.
Je me demande l’impact qu’a cette culture du pas-le-temps-j’suis-à-boutte sur les enfants pris entre le rire et le désespoir, symptômes d’une résignation inavouée à un monde de surconsommation pour lequel nous sommes façonnés depuis l’enfance. Qu’on en rit ou qu’on en pleure, ne pas choisir de cesser cette course au mode de vie contrefait revient à la légitimer et à la perpétuer.
Le problème?
C’est que pour arriver à se maintenir dans un standard qu’on imagine être à la fois garant et témoin de notre réussite, on met de côté maintenant ce qu’on ne pourra bientôt plus jamais avoir; une vie commue avec nos enfants.