Par Chloé BOEHME.
Le jour où l’on naît mère, quelque chose se transforme à jamais. On a toujours le cœur qui tiraille… Nous sommes happées entre le bien-être et le confort de nos enfants et le besoin parfois vif de nous réaliser, ou d’avoir au moins le temps d’un instant l’impression qu’il n’y a pas de choix à faire, une fluidité naturelle et évidente.
Il est lourd ce sentiment, où, tout est négociation car aucun des choix ne sera parfait ou certain. Oh oui !! qu’on peut se réaliser en tant que mère et avoir des moments où on ne veut être qu’elle, mais parfois, souvent, nous pensons aussi à notre chambre d’étudiante où la seule décision de la journée était de savoir quel thé accompagnerait notre bain chaud, oui oui chaud le bain !!
Dans notre nouvelle vie, nous sommes souvent déchirées et les initiatives prises toujours pesées car quelle que soit la solution il y aura renoncement ou hésitation, ce sentiment fort est dur à porter et affronter.
Faire un choix ne veut pas dire que celui-ci coule de source ou qu’on ne le remet jamais en question. Nos choix assumés peuvent d’ailleurs aussi être emprunts de doutes. Ils engendrent discussions, pressions, mais aussi interrogations.
Qu’est-ce qui nous dirait que le choix pris est le meilleur et le seul? Nous n’avons de recul que sur le quotidien et nos essais, nos erreurs, nos observations nous confortent ou nous ébranlent, mais quand les appréhensions nous gagnent, la culpabilité s’installe. « Est-ce que je fais bien, est ce que je donne assez, est-ce que je leur montre le bon exemple, et puis les concessions sont-elles bonnes pour la santé? »
Il y a les tiraillements de toutes parts : la société, l’entourage, nos rêves d’enfants, ou nos aspirations de femme, mais nul n’a le remède ou la conclusion et celui qui nous dira quoi faire ne sera pas épargné par ces questionnements lui-même pour son propre cheminement. C’est un sentiment universel de se sentir bancal quand on doit vivre plusieurs vies en une seule.
C’est la course aux besoins : ceux de nos trésors, entiers et innocents, mais aussi les nôtres, profonds, pressants ou omniprésents. Comment concilier les deux, se soulager de pouvoir tout réussir et mener une vie pleine et harmonieuse sans sacrifier certains aspects.
Je suis de celles pour qui la mère prime en toutes circonstances, quitte à n’être plus rien d’autre qu’une mère, mais pourtant si mon esprit vagabonde, je me surprends à voyager légère et sans contrainte. Mais mes enfants sont tout sauf des contraintes pourtant. Je suis incomplète sans eux, un peu hagarde, sans but et une vie sans saveur. Ils sont ma plus belle réalisation mais aussi celle qui occupe mes pensées quotidiennes. Néanmoins certains jours, je suis acculée par la charge et le besoin de hurler que je suis moi, pas juste une organisatrice. Mais une créative, une drôle, une désinvolte, une passionnée, une libre !!
C’est la responsabilité qui est difficile, pas eux. Se dire que nos actes autour ont un impact parfois fort, nous inquiétant de l’irrémédiable. Voilà !! C’est ce qui nous est retiré : notre joyeuse insouciance. Ah cette insouciance qui nous portait, nous rappelait à quel point nos choix n’étaient pas définitifs, mais qu’aujourd’hui toute décision aurait des conséquences sur la vie de ces êtres fragiles, en devenir, dont nous sommes les garants sacrés.
Si nous sommes si troublés et sensibles par cette portée c’est parce que nous avons avec nous encore, notre lot de blessures liées à des choix qu’on ne peut ignorer comme si rien n’était arrivé, comme si ce qui nous avait été transmis était sans souffrance et sans histoire.
Quand le tourbillon de la vie nous surprend on sent l’urgence de vivre et le besoin criant de tout faire en même temps. On voudrait être toutes nos spécialités : une amie, une amante, une accomplie, une fille qui rit.
Je ne voudrais rien changer, c’est ma vie d’aujourd’hui, et je l’aime, je les aime. Mais je ne peux m’empêcher de chercher l’équilibre pour ne pas me nier, je me le dois bien, le souffle de vie, qui me rappelle qui je suis…
Le summum du bien-être serait donc de ne se poser aucune question et d’être paisible dans chacune de nos décision? Mais n’oublierait-on pas là, la composante de notre sublime sensibilité et la complexité de l’être humain qui a des aptitudes dans bien des domaines?
Cela n’impliquerait-il pas une unilatéralité alors que nous sommes des polyvalents multidirectionnels, des racines de vie?
Je suis convaincue que ce qui compte n’est pas la paix du choix mais l’acceptation du choix imparfait. Garder une part de soi et d’eux dans chacune de nos actions pour rester éveillée à nos sensations, ne pas brusquer nos ressentis mais les accompagner avec douceur.
Composer avec la réalité plutôt que d’espérer que demain sera plus simple, le compromis, un accord vers le centre, vers une considération commune. Après tout ce sont nos affinités, nos sources d’inspirations et intérêts qui façonnent notre quotidien avec nos enfants, une trajectoire marquée par notre histoire parsemée de bouts de notre nous d’avant. Un doux mélange entre les époques et les projets.