Cette année, je suis devenue une maman à la maison. Vous savez, la mère au foyer, celle qui laisse dans l’esprit du commun des mortels autant de fascination que d’interrogation. La maman à la maison est tantôt louangée, tantôt dépréciée.
Mon mari et moi avons consciencieusement choisi d’offrir notre présence à notre enfant un peu plus longtemps que ce que le Québec planifie avec son régime d’assurances parentales.
J’ai officiellement reçu la fameuse phrase : « Tu es chanceuse, tu as le luxe de le faire. » En plein Walmart, misère!
J’ai souvent lu ou entendu ce commentaire lancé banalement aux mères au foyer. Ce que j’ai envie de partager, c’est mon exaspération devant cette bêtise. En toute franchise, cela n’a pas perturbé ma journée, si ce n’est que cela a confirmé mes impressions: on vit dans un monde où tout ne se justifie que par l’argent.
Argent tabou. Non, une technicienne en bureautique, ça ne fait pas des millions. Ni un papa étudiant. Je suis abasourdie qu’on relie si rapidement le choix de rester à la maison avec le solde présumé d’un compte en banque. Comme si toute autre motivation, autre que l’aisance financière, était éclipsée.
Autant le dire tout de suite, c’est tout simplement une question de choix.
Mon ménage ne gagne pas plus que la moyenne et je demeure quand même avec mon enfant pour lui offrir un lien privilégier jusqu’à ses 2 ans. Remplir sa réserve affective étant ma principale motivation. Sans savoir pourquoi, mon jeune instinct de mère me dit que ce choix sera bénéfique pour ce petit être ultra-sensible né dans un monde ultra-tout.
Arrêter le temps pour s’aimer, se découvrir et solidifier les bases m’a semblé sage.
Il n’y a pas de débat à faire; chacun a une réalité et des aspirations différentes. À ce chapitre, je respecte sincèrement mes amies qui font d’autres choix de vie, car elles vivent en faisant ce qui est le mieux pour elles et leur famille.
Seulement, parfois doit-on se souvenir qu’on a davantage le choix qu’on ne le pense. Vivre en misant concrètement sur ses priorités est un choix. Demeurer à la maison est plus abordable qu’on le pense (tant qu’à parler d’argent). Du moins, à condition d’être prêt à relever des défis. Dans mon cas, vivre de menus revenus a impliqué d’importantes décisions: reporter des projets, faire des compressions budgétaires et utiliser des années d’économies.
Mon secret? Consommer de façon responsable et… courir les sous-sols d’église.
Dans un monde où on valorise d’être reconnu au travail, de se démarquer, d’être indépendant financièrement, d’être vêtu selon ses humeurs, de posséder… tout! Cela relève du domaine de la marginalité que de s’habiller dans les friperies, de ne posséder qu’un téléphone pour deux, qu’une voiture, aucun service de télévision, aucun abonnement au gym, ou je-ne-sais-plus-quoi-d’autre-que-je-manque.
Vivre à contre-courant, mais Vivre.
Comme beaucoup d’autres mamans à la maison, je retourne vidée dans mon lit, mais paisible. Je dois attendre la sieste pour avoir un pseudo moment à moi (comprendre: préparer le souper, plier les vêtements, etc.), mais je suis heureuse.
Je cours après le temps, mais j’en ai! Le temps est toujours aussi précieux, mais n’existe plus de la même manière. Il passe, mais me laisse la certitude qu’il sera encore là pour moi et mon fils demain, après-demain, lundi matin… Le temps fait sa petite affaire, alors que je fais la mienne sans pression.
Le temps, ça ne s’achète pas.
Afin de vivre simplement sans sentir de privation, je dois être créative et débrouillarde. Je dois faire des choix de consommation durable, qui m’amènent à penser au monde dans sa globalité plutôt qu’à moi-même; à l’avenir, plutôt qu’à l’éphémère. Et si mon fils s’en empreint d’une façon ou d’une autre, j’en serai très fière.
Mais, tout ça pour quoi déjà?
Pour le bonheur de vivre selon mes valeurs et de réaliser mon rêve.
Ça, ça vaut de l’or… mais ce n’est pas du luxe!
Par Geneviève Dufresne, maman de Éloi