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Quand s’occuper de ses enfants est devenu suspect

 

Je ne suis sans doute pas la seule à avoir été préoccupée par l’ampleur du désir de surveillance du Québec à la lecture de l’article paru dans Le Soleil ce matin. D’ailleurs, la photo qui accompagne l’article en dit long. Un enfant en pleurs pour illustrer l’enfant qui ne fréquente pas un milieu de garde en installation. Ouf !

 

Dans cet article, on peut lire :

 

Ce sont 35,7 % des enfants de 0 à 4 ans qui ne fréquentent pas les services de garde éducatifs à l’enfance. Si on enlève les bébés de moins d’un an, on se retrouve avec près de 100 000 gamins en âge d’aller à la garderie et qui n’y vont pas.

Le ministère vise à réduire cette proportion d’enfants hors réseau de 2 % chaque année du mandat de la Coalition avenir Québec, donc atteindre 29 % en 2022-2023.

Aller vers les familles et les accompagner vers les services, là se trouverait la clé. «Ça prend des intervenants terrain où sont déjà les familles, dans des lieux naturels comme les centres communautaires ou même aller à la maison. Car parfois, remplir le formulaire s’avère déjà une montagne», illustre Mme Dagenais.

Le rapport recommande entre autres la déclaration obligatoire de grossesse partout dans la province et non seulement dans certaines régions, comme c’est le cas en ce moment.

 

 

On s’inquiète donc des enfants qui ne fréquentent pas la garderie.

On se demande comment faire pour exercer davantage de surveillance sur eux et augmenter le nombre d’utilisateurs des services de garde.

 

Comment en sommes-nous arrivés à cette société d’extrême surveillance ?

Comment en sommes-nous arrivés à craindre une petite enfance en famille ?

Comment en sommes-nous arrivés à suspecter les parents qui s’investissent davantage et qui choisissent de ne pas déléguer l’éducation de leurs enfants ?

Comment en sommes-nous arrivés là ?

À cette société dont les experts, les dirigeants et la population qui s’abreuve du discours des deux premiers, perçoivent les enfants comme des êtres à hyper encadrer, des porteurs de troubles potentiels. Vous en doutez ? Écoutez les enregistrements de la Commission sur les maternelles 4 ans dans les archives de l’Assemblée nationale, vous n’en douterez plus.

 

 

Les garderies étaient, au départ, un service offert dans le but de permettre aux femmes de gagner le monde du travail. Peu à peu, ce service est devenu un instrument d’uniformisation pour l’État. On a alors décidé d’offrir les places en garderie à des coûts moindres qu’une place de stationnement pour voiture. On a ensuite constaté que de plus en plus d’enfants souffrent. On a alors décidé de fermer les yeux sur les origines de cette souffrance et d’offrir de plus en plus de dépistage au lieu d’offrir des panacées. On a commencé aussi à se méfier des parents qui même à des coûts absurdes, choisissent de ne pas confier leurs enfants à des inconnus. On est rendu là.

 

Pourtant, les enfants n’ont jamais éprouvé autant de problèmes que depuis les vingt dernières années.

Au CÉGEP et à l’université, ils arrivent avec des troubles d’apprentissages, d’anxiété et d’organisation.

Du jamais vu.

L’hyper prise en charge de l’enfant ne fonctionne visiblement pas et pourtant, on continue de vouloir étendre ses tentacules.

 

On ne fait pas confiance aux parents au Québec.

 

Pourquoi donc ?

 

Un complexe d’infériorité qui nous fait croire qu’on est incapable d’assumer soi-même ses responsabilités ?

Après tout, l’État s’est tellement immiscé dans toutes les sphères de nos quotidiens qu’il pourrait bien nous avoir dépouillé de notre confiance en nos capacités.

Peut-être.

 

Avons-nous une gouvernance plus corrompue qu’ailleurs au Canada ?

Après tout, il est bien difficile de faire confiance aux autres quand on n’est pas soi-même digne de confiance.

Peut-être.

 

Souffrons-nous d’un délire collectif ?

Après tout, à force de se faire prendre en charge, on en perd nos capacités à réfléchir et à rationaliser.

Peut-être.

 

 

Et si au lieu d’enfermer l’enfance on choisissait de s’offrir un projet de société où l’enfant serait en harmonie avec son milieu de vie plutôt que bien encadré dans une installation qui l’éloigne de sa communauté ?

 

Avons-nous oublié que l’enfant apprend en premier lieu en observant ?

Encore faudrait-il qu’il ait autre chose qu’un local et des copains exactement du même âge que lui à observer.

 

 

On ne cesse de nous effrayer en disant que les plus démunis ne fréquentent pas suffisamment la garderie alors qu’ils bénéficieraient d’y passer leurs journées et on nous propose de les protéger en traquant tous les enfants dès la grossesse.

 

Des enfants démunis avec des parents qui éprouvent des défis, oui, il y en a. Mais éloigner l’enfant de son milieu n’est qu’une petite partie de la solution. Ne faudrait-il pas aider la famille, at large ?

 

Et si on aidait les enfants vulnérables en aidant la famille au complet ?

 

On pourrait offrir :

 

– Le transport en commun gratuit pour les familles

– Des activités gratuites régulières pour les familles dans les bibliothèques et les maisons de la famille toute l’année (pas seulement l’été)

– Une carte d’accès gratuite dans les musées et les lieux de culture

– Un service d’aide et d’échange de ressources

– Une ligne téléphonique de soutien disponible 24 heures sur 24

– Un accès facile aux services de santé

– Un réseau intergénérationnel entre les familles et les aîné.e.s qui ont du temps et du vécu à offrir

 

Si nous avons les moyens d’offrir des places en garderie à des coûts dérisoires, n’avons-nous pas les moyens d’offrir aussi des services aux parents qui ne souhaitent pas déléguer l’éducation des enfants qu’ils ont voulu avoir dans un autre but que de les institutionnaliser au maximum ?

 

L’argument de l’autonomie

 

On nous sert souvent l’argument de l’autonomie. L’enfant deviendrait, semble-t-il, plus autonome en étant pris en charge très tôt par un dispositif de contrôle.

 

N’est-ce pas contradictoire et farfelu que moins de liberté et plus de contrôle amène plus d’autonomie ?

Y croyez-vous, vous ?

 

Mitsiko Miller, dans Découvrir la parentalité positive (que je vous recommande vivement), a merveilleusement bien résumé Gordon Neufleld.  Elle écrit en page 104-105 :

« De son côté, Gordon Neufeld insiste sur le fait que forcer la séparation et l’autonomie avant l’âge fait en sorte que les enfants deviennent trop anxieux pour évoluer émotionnellement. L’enfant dont la nature est de s’attacher, se tourne vers ses pairs, ayant perdu confiance dans les adultes. Cette méfiance nuit à notre capacité d’être perçu comme guide. L’auteur mentionne également que ce manque de lien est la source de bien des troubles d’apprentissage et du comportement rencontré actuellement chez les enfants. Selon lui, c’est la raison de l’augmentation du nombre de cas d’intimidation, de fusillades dans les écoles et de suicide chez les jeunes.

La relation d’attachement crée un terreau fertile permettant :

– un lien de confiance qui encourage l’exploration; l’enfant est suffisamment en sécurité pour apprendre;

– au sein d’une relation significative, d’avoir l’écoute et la coopération des enfants, car ils ont envie de collaborer et de respecter les consignes;

– l’autorégulation et une saine gestion des émotions chez l’enfant. »

 

Elle traduit aussi un extrait d’une entrevue du psychologue David Elkind qui dit :

 

« Les enfants qui ont été forcées à grandir avant leur âge sont anxieux, confus et ne font pas de meilleurs adultes. »

 

L’auteur souligne que, en poussant trop tôt, les enfants ne gagnent pas en maturité, mais deviennent plutôt d’excellents imitateurs d’adultes. Attitudes sophistiquées, habitudes précoces, langage épicé et nonchalance avant l’âge ne sont pas des gages de responsabilité ou de maturité intégrées.

 

 

Intéressant, non ?

 

 

À ceux qui frémissent juste à entendre « parent à la maison », je conseille de reprendre contact avec l’humain.

 

– Laissez de côté votre téléphone

– Cessez d’écouter des téléromans, des séries, des émissions qui cautionnent notre monde insensé. Pourquoi ne pas revoir les grands classiques comme Fifi Brindacier, Tom Sawyer, Huckleberry Finn, Heidi. Vous constaterez que le goût de la liberté est bien naturel.

– Lisez des ouvrages qui vous feront réfléchir au sens de la vie

– Prenez du recul devant ce que les élus véhiculent comme message

– Fermez le Wi-Fi et JOUEZ avec vos enfants

– Ayez des discussions philosophiques avec vos enfants, vous découvrirez que ce n’est pas l’enfermement et le contrôle qui les rend heureux

– Baladez-vous plusieurs heures chaque semaine en pleine nature ou en forêt

– Reprenez contact avec vos passions

– Souvenez-vous de ce qui vous rendait heureux quand vous étiez enfant

 

Vous découvrirez qu’il n’y a aucune raison pour qu’un État qui offre à sa population 12 heures d’attente dans des urgences bondées, de l’accès limité aux soins de santé de base, du plomb dans l’eau de ses écoles décrépies, des classes sans enseignants, un corps professoral épuisé, une bureaucratie lourde et inefficace tout en ayant un taux énorme d’imposition et j’en passe ! soit mieux placé que vous pour éduquer votre enfant.

 

À lire et réfléchir :

 

La norme. Cette étrange machine broyer les enfants.

Préparer l’enfant pour la vraie vie, ça veut dire quoi ?

Qu’avons-nous fait de nos enfants ? 

L’anxiété chez les jeunes en très forte hausse.

Anxiété, grand mal du siècle?

Deux ados sur trois souffrent d’anxiété de performance en première secondaire.

La garderie n’améliore pas le développement cognitif.

Trop d’heures à la garderie pourrait être néfaste pour les petits.

NON-COGNITIVE DEFICITS AND YOUNG ADULT OUTCOMES: THE LONG-RUN IMPACTS OF A UNIVERSAL CHILD CARE PROGRAM

Does amount of time spent in child care predict socioemotional adjustment during the transition to kindergarten?

 

Commentaires

Par Julie Roux

Maman intégrale de 2 enfants libres ayant un penchant naturel pour le bonheur, Julie a troqué la sociologie et la naturopathie contre la vie familiale qu’elle a choisie. Maman à la maison pas si souvent à la maison, elle adore sortir, voyager, réfléchir sur l’enfance et sur l’éducation.